BP
Sciences et Avenir N°762 août 2010 :
Propos de Pierre-René Bauquis, ancien directeur stratégie et planification de Total, professeur à l'école de l'Institut français du pétrole recueillis par
Azar Khalatbari.
Le 15 juillet, BP a annoncé que ses ingénieurs avaient réussi à colmater provisoirement et pour la première fois la fuite de pétrole à l'origine
d'une marée noire sans précédent dans le golfe du Mexique.
Quelles sont les erreurs commises jusque-là par BP ?
Il y a d'abord des erreurs de conception. Ce type de forage en pleine mer met en jeu de très hautes pressions, et le tubage utilisé par BP n'était pas adéquat :
habituellement pour ce types de forage, les tubes qui doivent supporter la pression de l'eau et des sédiments sont renforcés. Mais par mesure d'économie, BP n'a pas
choisi cette option.
N'y a-t-il pas eu aussi toute une série d'erreurs d'exécution ?
En effet. Habituellement après forage, il faut ancrer le tubage (ou cuvelage) avec du ciment, ce qui a été fait. Mais BP aurait refusé à la société Schlumberger,
qui possède cette expertise au niveau mondial, d'en vérifier la qualité par des mesures
in situ, probablement pour des raisons de délais et de budget. Enfin,
BP a manqué la dernière occasion d'intervenir : au cours des minutes qui ont suivi l'explosion des trois vannes au niveau de la tête du puits - aujourd'hui en cours
d'expertise - est survenu un
blowout, une remontée d'hydrocarbure jusqu'à la plate-forme de forage. Dans ce cas, il faut immédiatement déverser de la "boue lourde",
de la boue de forage chargée en barytine (un minéral très dense, à base de sulfate de baryum) pour bloquer la remontée. Or, il semblerait que le puits n'ait pas été surveillé
pendant ces précieuses minutes.
Iriez-vous jusqu'à parler d'un laxisme catastrophique ?
Il faut attendre le résultat de la commission d'enquête. A cause du débit important du puits, la solution de poser une cloche n'a pas fonctionné.
L'option de creuser des puits déviés pour injecter de la boue lourde - ce que tente BP actuellement - est très coûteuse, mais c'est la seule solution.
Au-delà des erreurs, je vois un problème de fond : l'industrie pétrolière a pris l'habitude de licencier et d'embaucher en fonction des cours du pétrole.
Les services techniques allégés, les responsabilités se trouvent diluées. BP a connu cela il y a quelques années sous la houlette de John Browne, son ancien
directeur exécutif.
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